Toliroise. La renaissance après un redressement judiciaire

 

En France, on estime qu’un redressement judiciaire sur deux se termine en liquidation, en moins de trois ans. Toliroise, placé en redressement en 2014, échappe à cette sinistre statistique. Mais l’entreprise et ses hommes y ont laissé des plumes.

« Des clients nous ont plantés, le carnet de commandes a plongé et le château de cartes s’est effondré ». Avril 2014 : la holding Chambrin industries et ses deux sociétés Toliroise, à Plouzané, et ATPS, à Lannion, sont placées en redressement judiciaire. Début du cauchemar pour Philippe Chambrin, le patron, et les cinquante salariés répartis entre les trois structures. « On ne s’intéresse pas à ce type de situation, jusqu’à ce qu’on y soit confronté. Je crois qu’en Vendée, des cellules psychologiques sont proposées pour les patrons concernés. Ce n’est sans doute pas un luxe », souffle Philippe Chambrin. C’est en 2001 que ce Costarmoricain d’origine se lance dans l’aventure entrepreneuriale, alors qu’il est cadre, « bien au chaud, chez Thalès ». Il s’attaque à la tôlerie, « parce qu’il y avait du boulot à l’époque, et un vrai savoir-faire dans le coin ». L’activité décolle rapidement, notamment grâce aux commandes de JCDecaux, le géant français du mobilier urbain, qui pèse encore aujourd’hui près de 50 % du chiffre d’affaires du groupe.

L’ascension jusqu’à la crise


En 2007, la jeune entreprise continue de grandir et rachète le Lannionnais ATPS (17 salariés à l’époque), spécialiste de la tôlerie fine. La holding Chambrin industries est créée pour chapoter les deux entités et supporter les fonctions supports. La crise de 2008 viendra balayer la dynamique, jusqu’à la sentence du tribunal de commerce, en avril 2014. « Humainement, c’est dur. Pour les salariés, d’abord, qui en prennent plein la tête.

Mais pour les patrons aussi : on ne crée pas une boîte pour se planter ! Heureusement, on n’a rien trouvé à nous reprocher sur la gestion », relève Philippe Chambrin. Le redressement fera de la casse : deux plans de licenciements économiques, pour un total de neuf départs entre Brest et Lannion. Philippe Chambrin accuse aussi le coup. « Dans ces cas-là, le patron est laissé à l’abandon. Les mauvaises nouvelles tombent le vendredi à 17 h 30, et on doit passer le week-end avec. Les recommandés arrivent à la maison, la famille souffre aussi… Et si les salaires sont pris en charge par les assurances, le patron doit aller devant le tribunal de commerce négocier sa rémunération, justifier tous ses frais. C’est relativement humiliant ». En cours de redressement, un repreneur s’est présenté. Philippe Chambrin a alors sondé ses salariés sur une possible cession. « La grande majorité était pour la reprise. Mais moi, je voulais continuer, car j’étais persuadé de l’avenir de cette société ». La suite lui a donné raison : au bout de 18 mois, la holding et les deux sociétés sortent du redressement.

À nouveau dans le vert


« On a commencé à réembaucher », se félicite le patron, qui emploie aujourd’hui 20 personnes pour Toliroise à Brest, plus cinq intérimaires, sans compter la holding et ATPS. « On a désormais un carnet de commandes à quatre mois, ce qui est bien dans notre secteur. On profite de la reprise économique et de notre diversification ». Le redressement a toutefois laissé des traces. « On va bientôt devoir changer une partie du parc machines, pour continuer à avancer. Le problème, c’est le financement : après ça, on est fiché en rouge auprès des banques, souffle Philippe Chambrin. Mais aujourd’hui, on a une bonne rentabilité, tout ce qu’il faut pour que ça marche. Et l’équipe est plus soudée que jamais ».

Crédit photo : « Photo Pierre Chapin / Le Télégramme »

Crédit article : « Le Télégramme du 16/11/2017 »